Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.

joué un rôle essentiel dans le progrès de cette science.

En philosophie, jusqu’à ce jour, on a peu recherché cette neutralité morale et on y est rarement parvenu. Les hommes ont gardé la mémoire de leurs désirs, et ont apprécié la philosophie selon leurs désirs. Bannie des sciences particulières, cette notion que les idées de bien et de mal fournissent la clef de l’univers s’est réfugiée dans la philosophie. Mais, de ce dernier refuge lui-même, il faut qu’elle soit chassée, si tant est que la philosophie doive être autre chose qu’un chaos de douces rêveries. C’est un lieu commun de dire que le meilleur moyen d’atteindre le bonheur n’est pas de le poursuivre ; il semble qu’il en soit de même du bien. Tout au moins en ce qui concerne la pensée, ceux qui oublient le bien et le mal, et ne cherchent qu’à connaître les faits, mèneront leur tâche à bien, plus sûrement que ceux qui contemplent le monde à travers le verre déformant de leurs désirs.

Nous en revenons ainsi à notre prétendu paradoxe selon lequel une philosophie qui ne cherche pas à imposer au monde sa conception du bien et du mal, non seulement a plus de chance d’atteindre la vérité, mais encore est à un niveau moral plus élevé qu’une philosophie qui, comme l’évolutionnisme et la plupart des systèmes traditionnels, chante sans cesse les