Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.

La possibilité de cet amour et de cette joie universels dans tout ce qui existe est d’une importance capitale dans la conduite et dans le bonheur de la vie, et donne une valeur inestimable à l’émotion mystique, indépendamment de toute croyance positive qui peut se fonder sur elle. Mais, pour ne pas être induit en erreur, il est nécessaire de se représenter exactement ce que révèle l’intuition mystique. Elle révèle une potentialité de la nature humaine, celle d’une vie plus noble, plus heureuse, plus libre que toute autre qu’il serait possible d’atteindre autrement. Mais elle n’apprend rien en ce qui concerne le non-humain, ou la nature de l’univers en général. Le bien et le mal, et même ce bien supérieur que le mysticisme trouve partout, sont le reflet des sentiments dont nous affectent d’autres objets, et ne font pas partie de la substance des choses, telles qu’elles sont en elles-mêmes ; et c’est pourquoi un observateur impartial, affranchi de toute préoccupation du Moi, ne jugera pas les choses bonnes ou mauvaises, bien qu’à son impartialité se mêle très facilement ce sentiment d’amour universel, qui fait dire au mystique que le monde entier est bon.

La philosophie de l’évolution, par l’idée du progrès, est liée au sort du dualisme moral du meilleur et du pire, et se trouve ainsi exclue, non seulement de cette méthode d’investigation