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L’évolutionisme, en se fondant sur l’idée de progrès, qui est un changement dans le sens du meilleur, permet à l’idée de temps, à ce qu’il me semble, de le tyranniser plutôt que de le servir, et se départit ainsi de cette impartialité qui est au fond de ce qu’il y a de meilleur dans la pensée et dans le sentiment philosophiques. Les métaphysiciens, nous l’avons vu, ont souvent refusé au temps toute réalité. Je n’entends pas faire comme eux ; je veux seulement prendre la défense du point de vue qui les a inspirés et de cette attitude qui, dans le domaine de la pensée, accorde au passé autant de réalité qu’au présent, et autant d’importance qu’à l’avenir. Comme dit Spinoza[1], « en tant que l’esprit conçoit une chose selon les commandements de la raison, il en sera affecté également, que l’idée soit celle d’un objet à venir, passé ou présent. » C’est cette « conception selon les commandements de la raison » qui, à mon avis, fait défaut à la philosophie de l’évolution.


IV. — Le Bien et le Mal.

Le mysticisme soutient que tout mal est illusoire, et tient parfois les mêmes propos à l’égard du bien ; mais, le plus souvent, il soutient que

  1. Éthique. Livre IV, Prop. LXII.