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jourd’hui pourront passer pour vraies aujourd’hui, tant qu’elles nous supporteront dans le courant ; mais demain elles seront fausses, et devront être remplacées par des croyances nouvelles. Notre pensée tout entière ne comprend que des fictions commodes, coupes imaginaires dans le courant : la réalité s’écoule en dépit de toutes nos fictions ; et quoiqu’elle puisse être vécue, elle ne peut être conçue par la pensée. Toutefois, on laisse entendre, sans l’affirmer explicitement, que l’avenir sera meilleur que le passé et que le présent, quoique nous ne le puissions prévoir : le lecteur est dans la situation d’un enfant qui s’attend à recevoir un bonbon parce qu’on lui a dit d’ouvrir la bouche et de fermer les yeux. La logique, les mathématiques, la physique, n’ont point de place dans cette philosophie, parce qu’elles sont trop « statiques » ; ce qui est réel, c’est la tendance et le mouvement dans le sens d’une fin qui, comme l’arc-en-ciel, recule à mesure que l’on avance, et rend chaque point qu’elle touche différent de ce qu’il semblait être de loin.

Je n’entends point faire un examen technique de cette philosophie. Je désire seulement montrer comme quoi les mobiles et les préoccupations qui l’inspirent sont si exclusivement pratiques, et les problèmes qu’elle traite si particuliers qu’il est difficile de dire qu’elle touche à aucun