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la satisfaction du désir fait toujours naître des déceptions ; et même lorsque l’on n’éprouve pas de véritables déceptions, l’expérience révèle graduellement que la prétendue intuition était illusoire, et que la méthode plus lente et plus hésitante de l’intelligence est, en définitive, plus digne de confiance. Bergson soutient que l’intelligence ne s’applique aux choses qu’en tant qu’elles ressemblent à d’autres que l’on connaît déjà, tandis que l’intuition a la capacité de saisir le caractère de l’unique et du nouveau qui existent toujours dans chaque moment qui passe.

Sans doute, il est vrai qu’il y a quelque chose d’unique et de nouveau à chaque instant ; il est vrai, également, que cela ne se peut entièrement exprimer au moyen des concepts intellectuels. Seule une appréhension immédiate peut faire connaître ce qui est unique et nouveau. Mais une appréhension immédiate de cette espèce est pleinement donnée par la sensation, et, il me semble, n’exige pas le secours d’une faculté spéciale d’intuition. Ce n’est ni l’intelligence ni l’intuition, mais la sensation qui fournit des données nouvelles ; mais quand les données sont de nature particulièrement frappante, l’intelligence est plus propre à en tirer parti que ne l’est l’intuition. La poule qui a une nichée de canards a sans doute une intuition qui semble la transporter au dedans de ceux-ci ; elle n’en a