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La croyance métaphysique, ainsi que j’entends le montrer, est un produit erroné de l’émotion, quoique l’émotion, en tant qu’elle donne forme et couleur aux autres pensées et aux autres sentiments, soit l’inspiratrice de ce qu’il y a de meilleur dans l’homme. La recherche scientifique elle-même, si lente et circonspecte qu’on la croit aux antipodes de l’élégante certitude mystique, peut se trouver renforcée et développée par ce même esprit de respect (spirit of reverence) où vit et se meut le mysticisme.


I. — La Raison et l’Intuition[1].

De la réalité ou de l’irréalité du monde des mystiques, je ne sais rien. Je n’ai aucun désir d’en nier l’existence, ou même de prétendre que l’intuition qui le révèle n’est pas une intuition véritable. Ce que j’entends soutenir — et c’est ici que s’affirme l’attitude scientifique — c’est que l’intuition, qui est invérifiée et ne se fonde sur rien n’offre de la vérité qu’un témoignage insuffisant, en dépit du fait qu’elle a joué, à l’origine, un rôle important dans la recherche de la vérité. Il est d’usage d’opposer l’instinct

  1. Cette section et quelques pages des sections suivantes ont été imprimées dans une série de conférences Lowell intitulée On our Knowledge of the External World (publiées par The Open Court Publishing Company) ; mais je les ai conservées dans ce texte qui est celui pour lequel elles furent écrites à l’origine.