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Parménide lui-même est à l’origine du courant mystique si intéressant qui traverse l’œuvre de Platon — ce mysticisme que l’on pourrait appeler « logique » parce qu’il fait partie intégrante de théories logiques. Cette espèce de mysticisme qui semble, tout au moins en ce qui concerne l’Occident, avoir pris naissance chez Parménide domine les raisonnements de tous les grands métaphysiciens mystiques jusqu’à Hegel et à ses disciples modernes. La réalité, d’après lui, est incréée, indestructible, immuable, indivisible ; « de lourdes chaînes la contraignent à l’immobilité ; elle est sans commencement et sans fin ; car nous avons écarté la naissance et la mort et la croyance véritable les a bannies. » Le principe fondamental de son investigation est exprimé dans une phrase que Hegel n’aurait pas désavouée : « Tu ne peux connaître le non-être — cela est impossible — ni même l’exprimer ; car ce qui peut être pensé et ce qui peut exister ne sont qu’une seule et même chose ». Et encore : « Il faut bien que ce qui peut être pensé et exprimé existe, car il lui est possible d’exister, et ce qui n’est rien ne saurait exister. » Ce principe conduit à affirmer l’impossibilité du changement ; car ce qui est pensé peut être exprimé, et, par conséquent, continue à exister.

La philosophie mystique de tous les temps, et de tous les pays, est caractérisée par certaines