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ment ses propres faiblesses n’hésite pas à se réjouir de son œuvre, quand il la croit bonne. Et c’est encore de la modestie, sinon comme l’entend l’hypocrisie mondaine, du moins comme on peut l’entendre avec lui. Pour Ruskin, en effet, la modestie ne consiste nullement à douter de sa propre capacité ou à hésitera soutenir son opinion, mais à bien comprendre la relation qu’il y a entre ce dont on est capable et ce dont les autres sont capables, à mesurer exactement, et sans l’exagérer, sa propre valeur. « Car modestie est la vertu des modes ou limites, Arnolfo reste modeste en disant qu’il peut bâtir un beau dôme à Florence. Dürer aussi en écrivant à quelqu’un qui a trouvé une faute dans son œuvre : « Cela ne peut pas être mieux fait », car il le voyait clairement, et dire autrement eût été manquer de franchise. La personne vraiment modeste admire d’abord les autres avec ses yeux pleins d’émerveillement ; elle est si enchantée d’admirer les œuvres des autres qu’elle ne prend pas le temps de se lamenter sur les siennes ; et ainsi, connaissant le doux sentiment du contentement, sans tache, elle ne craint pas de se complaire à sa propre droiture comme à celle des autres, mais dit simplement : « Que ce soit de moi, ou de vous, ou de tout autre, peu importe ! Cela aussi est bien. » — En écrivant ces lignes, Ruskin a cru graver sa pensée : il