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Mais le monde ne l’a pas su. Inquiet de cet enthousiaste qui bataillait, on l’a taxé d’intolérance, et suffoqué par sa joie naïve de se donner en témoin des beautés et des vérités qu’il annonçait, on a crié à l’orgueil. On a appelé contradictions les ardeurs de Ruskin pour toutes les vérités qu’il a cru découvrir les unes après les autres, inconstance ses affections pour toutes les grandes œuvres, tyrannie son zèle, égoïsme sa générosité. Si l’on veut être juste à la fois et compréhensif, on appellera tout cela d’un seul mot qui explique tout Ruskin et qui est le troisième grand trait de sa physionomie : la franchise.

« Être έλεύθερος, liber ou franc, dit-il quelque part, c’est d’abord avoir appris à gouverner ses passions, et alors, certain que sa propre conduite est droite, y persister envers et contre tous, contre l’opinion, contre la douleur, contre le plaisir. Défier l’opinion de la foule, la menace de l’adversaire et la tentation du diable, tel est chez toute grande nation le sens du mot : être libre, et la seule condition pour obtenir cette liberté est indiquée dans un seul verset des Psaumes : « Je marcherai en liberté parce que j’ai cherché tes préceptes ». Cette rude franchise, quand il l’applique aux autres, lui fait perdre quelquefois toute mesure et oublier toute politesse. Comme quel-