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avait dépensé un couple de batz (deux sous) quand il atteignait Ulverstone, c’était le bout du monde. Mais maintenant il ne penserait jamais à faire cela. Il marche d’abord trois milles dans une direction opposée pour trouver la station du chemin de fer, ensuite il fait en chemin de fer vingt-quatre milles pour aller jusqu’à Ulverstone, en payant deux shillings sa place. Durant ce transit de vingt-quatre milles, il gît oisif, couvert de poussière et stupide, et il a ou plus chaud ou plus froid qu’il ne voudrait. Dans les deux cas, il boit de la bière à deux ou trois stations, passe son temps, dans l’intervalle, avec quelqu’un qu’il aura trouvé, en parlant sans avoir quoi que ce soit à dire, et de telles conversations deviennent toujours vicieuses. Il arrive à Ulverstone éreinté, à moitié saoul et d’ailleurs démoralisé et de trois shillings au moins plus pauvre que le matin…

Non seulement le Maître ne permet pas aux wagons de transporter sa personne, mais il ne leur fait même pas transporter ses livres, autant du moins que cela lui est possible. Les volumes, que son éditeur envoie de sa librairie d’Orpington à sa maison de Londres, voyagent en charrettes.

Cette librairie elle-même est une application pratique des préceptes ruskiniens. Elle n’ouvre pas sur une rue sans horizon, sans ciel, et ne contient pas de machines, ni d’employés agissant machinalement, loin de tout spectacle esthétique et privés de toute initiative individuelle. Si vous prenez la route d’Orpington et si vous faites douze milles dans cette direction, vous atteignez