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sant un petit port sur le lac avec quelques-uns de ses disciples, entre deux traductions de Xénophon, et en réparant, avec ses étudiants d’Oxford, une route près d’Hinksey. Les railleries n’arrêtèrent point ces étranges cantonniers qui brisèrent plus de pioches et dépensèrent plus de temps que ne l’eussent fait des manœuvres ordinaires. Le Maître a pris aussi des leçons de menuiserie et de peinture en bâtiment. Par quelques-uns de ces traits, il ressemble à Tolstoï, dont il a dit : « Ce sera mon successeur », et qui a dit de lui : « C’est un des plus grands hommes du siècle ». Poursuivant jusqu’au bout sa lutte contre le machinisme, il a proscrit le gaz de sa maison et s’est opposé de toutes ses forces à l’établissement d’une voie ferrée à Ambleside dans la pittoresque contrée des lacs, qu’il habite. La haine de la vapeur lui a inspiré des arguments inattendus. Voulez-vous savoir à quoi servent les chemins de fer ? a-t-il crié à ses concitoyens. Le voici :

La ville d’Ulverstone est à douze milles de chez moi, dont quatre milles de route de montagne auprès du lac de Coniston, trois à travers une vallée pastorale, cinq le long de la mer. On trouverait malaisément une promenade plus jolie et plus saine. Jadis, si un paysan de Coniston avait affaire à Ulverstone, il cheminait jusqu’à Ulverstone, ne dépensait rien que le cuir de son soulier sur la route, buvait aux ruisseaux, et s’il