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filait plus, on ne tissait plus la bonne toile d’autrefois. La machine, qui tourne bêtement sur elle-même et ne se meut que grâce à la vapeur pestilentielle, remplaçait les jolis gestes de la main, animée par le souffle vivant de l’homme. Il courut à ce nouveau champ de bataille pour livrer au machinisme un combat suprême. Un de ses admirateurs passionnés qui habitait le pays, M. Fleming, fit serment de rétablir le filage à la main. On chercha longtemps les outils, le rouet n’étant plus guère connu qu’à Covent Garden au moment où Marguerite chante : « Quel est donc ce jeune homme ?... » On battit toute la vallée de Langdale, on fit des annonces dans les journaux. Enfin, chez une vieille femme qui avait filé, un demi-siècle auparavant, on découvrit un rouet caché comme ce fuseau que trouva la belle princesse des contes de fées, et qui, la piquant, l’endormit pour cent ans. Aussitôt, en effet, la vallée offre l’image de ce qu’elle était il y a cent ans. Ce premier rouet est porté en triomphe à travers les rues, comme le tableau de Cimabué, dans Florence. Bientôt on découvre un métier en vingt morceaux. Mais comment les recoller ? Heureusement un dessin du métier qui est sculpté sur le campanile de Giotto, « la tour du berger », restitue les traditions du moyen âge, de même que demain quelques vers d’Homère dans l’Odyssée