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accoutumées de sa jeunesse, il se désole. « À peine toutes les jacinthes et les bruyères de Brantwood, écrit-il dans ses Præterita, compensent-elles pour moi la perle de ces fleurs, et lorsque les vents d’été ont dispersé toutes les feuilles de nos roses sauvages, je pense tristement à la pourpre sombre des convolvulus qui grimpaient et florissaient encore en plein automne autour des pommiers.... » Bien plus, si en retournant devant un paysage préféré, il le trouve bouleversé, défiguré par les « progrès » de la locomotion, par un port ou une voie ferrée, ou par les « embellissements » du tourisme, une guinguette, un hôtel, il est blessé comme par un outrage à son éternellement aimée.

Oui, vous avez méprisé la nature, s’écrie-t-il en s’adressant à ses contemporains, vous avez méprisé toutes les sensations saintes et profondes de ses spectacles ! Les révolutionnaires français transformaient en étables les cathédrales de France. Vous, vous avez transformé en champs de courses toutes les cathédrales de la terre : les montagnes, d’où l’on peut le mieux adorer la divinité ! Votre unique conception du plaisir est de rouler en chemin de fer autour des nefs de ces cathédrales et de boustifailler sur leurs autels ! Vous avez fait un pont de chemin de fer sur la chute de Schaffhouse ! Vous avez fait un tunnel dans les rochers de Lucerne, près de la chapelle de Tell ! Vous avez détruit le rivage de Clarens sur le lac de Genève. Il n’y a pas une paisible vallée en Angleterre, que vous n’ayez remplie de feu mugissant !