Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/350

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autre façon peu confortable. Si elle l’aime un peu ; elle le gardera près d’elle, se contentant de lui imposer des besognes malaisées, telles que lui rapporter des peaux de lion ou des têtes de géant, — simplement pour voir de quelle étoffe son âme est faite. Faire sa cour sera faire ses preuves et ne devra jamais durer moins de trois ans. D’ailleurs, tout cela ne sera ni caché, ni discret et une jeune fille de quelque mérite ne saurait avoir moins d’une demi-douzaine de prétendants ou de chevaliers, soumis à ses volontés.

Quand elle aura choisi son compagnon de route, elle attendra la fête nationale des mariages, car ils se feront tous le même jour, comme à Venise au xe siècle. En sorte que ce jour sera pour tous une fête, — fête actuelle pour les uns, fête commémorative pour les autres. On y déploiera beaucoup de faste et personne ne s’indignera si chaque mariée est vestita, per antico uso, di bianco, e con chiome sparse giu per le spalle, conteste con filo d’oro. Les autres jours, les villageois joueront des scènes de Le Nain ou de Millet, mais, ce jour-là, ils joueront des scènes de Lancret ou de Watteau. Une parfaite égalité régnera sur tous, comme les éclairera le même rayon de soleil. Car les couples ainsi unis ne s’en iront pas dans la vie par deux chemins différents selon leurs conditions sociales.