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l’eau du Rhin, sur les stratifications du Mont-Blanc, sur la convergence des perpendiculaires, sur la météorologie, sont signés Kata Phusin (selon la nature). L’histoire de sa vie n’est que l’histoire de ses rencontres avec la Nature, de ses voyages qu’il renouvelle chaque année, avec ses parents pendant les deux tiers de son existence, seul plus tard, quand ils sont morts. Il ne va pas à elle comme au refuge des lassitudes et des désillusions, comme à la distraction des heures oisives : il y va dans toute la force de l’âge, comme au Dieu qui réjouit la jeunesse. Elle n’est pas seulement la consolatrice de l’amour. Elle est son amour même :

J’ai eu un plaisir — aussi jeune que je puisse me rappeler et qui a continué jusqu’à mes dix-huit ou vingt ans, — infiniment plus grand qu’aucun que j’ai pu trouver en quoi que ce soit, un plaisir comparable pour l’intensité seulement à la joie d’un amant qui se trouve auprès d’une noble et douce maîtresse, mais non plus explicable, ni plus définissable que le sentiment de l’amour lui même...

Je ne pensais jamais à la Nature comme à une œuvre de Dieu, mais comme à un fait séparé de son existence séparée...

Ce sentiment était, selon sa force, inconciliable avec tout mauvais sentiment, tout dépit, toute angoisse, convoitise, mécontentement et toute autre passion haineuse, mais il s’associait profondément avec toute tristesse, toute joie et affection justes et nobles...