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Dorking dans le Kent, lorsque — soudainement — voyez !… là-bas !

Pas un moment il ne vint à la pensée d’aucun de nous que ce fussent des nuages. Ces contours étaient clairs comme du cristal, affilés sur le pur horizon du ciel et déjà colorés de rose par le soleil couchant. Cela dépassait infiniment tout ce que nous avions pensé ou rêvé. Les murs de l’Eden perdu, apparus, ne nous auraient pas semblé plus beaux, — ni plus imposantes, autour du ciel, les murailles de la mort sacrée.... Alors, dans la parfaite santé de la vie et le feu du cœur, ne désirant rien être autre que l’enfant que j’étais, ni rien avoir de plus que ce que j’avais, connaissant la douleur suffisamment pour considérer la vie comme une chose sérieuse, mais pas assez pour relâcher les liens qui m’attachaient à elle, ayant assez de science mélangée à mes impressions pour que la vue des Alpes ne me fût pas seulement la révélation de la beauté de la terre, mais aussi l’accès au premier chapitre de son enseignement, je redescendis ce soir-là de la terrasse de Schaffhouse avec ma destinée fixée en tout ce qu’elle devait avoir de sacré et d’utile. À cette terrasse et aux rives du lac de Genève, mon cœur et ma foi se reportent en ce jour, à chaque noble sentiment qui vit encore en eux et chaque pensée qui y règne, de réconfort et de paix.

Dès lors, cette contemplation de la nature remplira sa vie, non plus comme une distraction, une flânerie émerveillée et indécise, mais comme une vocation et une marche à l’idéal. Tous ses premiers essais — écrits de quinze à vingt ans dans le journal scientifique du temps, le Magazine of Nalural History, — sur les causes de la couleur de