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n’écoutera que les professeurs pourvus de quelque ressemblance avec l’Erasme de Holbein ou le Melanchthon de Dürer. Très doué pour la géométrie, il demeure court dès qu’il sort de cette science de dimensions figuratives et tangibles pour entrer dans l’algèbre qui n’exprime que des relations de chiffres. Rien ne l’intéresse dans les choses que leurs rapports de beauté, que la joie ou la souffrance qu’elles causent aux yeux. Que dès lors une impression esthétique violente l’accueille au seuil de sa vie d’homme, et l’on comprend qu’elle fixera sa vie. Que la Nature lui apparaisse, non plus dans ses parures grises du Nord, mais dans sa splendeur bleue du Midi, non plus fardée comme autour des grandes villes, mais dans sa grande, libre, sauvage et primitive nudité, et aussitôt, intelligence, volonté, cœur, il sera tout à elle et à ceux, comme Turner, qui la lui auront révélée.

Tel était l’état d’esprit du jeune John Ruskin, à quatorze ans, lorsque nous l’avons vu arrivant à Schaffhouse, avec son père, M. John James Ruskin, sa mère et sa cousine Mary, au milieu d’une nuit d’été. Telles étaient son ardeur sans objet défini, son espérance sans décision, cette flamme qui brûle sans éclairer, que nous avons tous connue quand nous nous sommes demandé ce que nous ferions de nos vingt ans. — Il avait ardemment