Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/315

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même de tout progrès. Mais qu’un patron donne, comme le veut Ruskin, son bénéfice intégral à ses ouvriers, — sans d’ailleurs avoir aucun moyen de leur faire supporter sa perte, — c’est fort louable. Que ce patron s’abstienne de toute concurrence pouvant ruiner ses rivaux moins riches ou moins adroits que lui, c’est fort édifiant. Seulement la fin de toutes ces pratiques louables, édifiantes et ruskiniennes, sera très probablement la ruine lente de ce patron, et il pourra se présenter telles circonstances difficiles, telle crise, où il devra, soit violer l’évangile de Brantwood, soit mourir de faim....

« Eh bien, répond tranquillement Ruskin, il mourra de faim. » Et si l’on doit s’étonner de quelque chose, c’est de l’étonnement que provoquera cette réponse. Serait-ce la première fois, au monde, qu’un homme, dans un grand danger public, aurait donné sa vie pour ses semblables ? Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi, dans le monde et dans le peuple, la profession de commerçant est tenue en si médiocre estime quand on la compare à celle du soldat ? « Philosophiquement on ne comprend guère, à première vue, pourquoi un homme paisible et raisonnable, dont le métier est de vendre et d’acheter, jouirait de moins de considération qu’un homme belliqueux et souvent peu raisonnable, dont le métier est de