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tact avec l’humanité. S’ils sont curieux de voir leur grand poète Wordsworth, ils n’osent prétendre à une introduction et se contentent d’aller le guetter derrière un pilier, à l’église. « Nous ne voyagions pas pour des aventures ni pour des relations, mais pourvoir avec nos yeux et jauger avec nos cœurs. » Le confort qu’ils s’accordent leur permet de bien voir et leur ignorance des langues étrangères les empêche de prendre aux gens un intérêt autre que l’intérêt pittoresque. Ils éprouvent un charme particulier à ne rien comprendre aux conversations des foules qu’ils traversent. Chaque geste est noté pour sa beauté, chaque son de voix pour son timbre, non pour sa signification, « comme dans un mélodieux opéra ou une pantomime ».

Soumises à ce régime spécial, toutes les facultés de l’enfant convergent vers la sensation aiguë, l’analyse méticuleuse des paysages et des figures. Son sens esthétique grandit au détriment de tous les autres. Il ne peut aimer telle petite cousine parce qu’elle porte des boucles à l’anglaise et que cette forme est inesthétique. Si, par hasard, on le conduit en visite, il ne prend garde qu’aux tableaux qui ornent le salon et pas du tout aux personnes. Bientôt, à Oxford, il ne pourra supporter les figures des tuteurs ou des camarades qui ne seront pas assez caractérisées, « assez bien peintes », et