Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soutenir ou de donner. Or le calme, la confiance, tout ce qui embellit la vie, n’est-ce pas aussi, après le pain quotidien, une richesse ? « Les économistes ont bien une vague notion qu’il y a une autre richesse que le métal trouvé en Australie, puisqu’ils parlent de toutes « choses utiles » et qu’ils proclament que « le temps, c’est de l’argent ». Mais l’esprit aussi, c’est de l’argent ; la santé, c’est de l’argent ; le savoir, c’est de l’argent. Et toute votre santé, votre esprit et votre savoir peuvent être changés en or, mais l’or ne peut pas être changé, à son tour, en esprit et en santé. »

Et ce qui est vrai de la richesse privée, ne l’est-il pas plus encore de la richesse nationale ? Est-il possible d’évaluer en chiffres, de mesurer en crédit la richesse réelle d’un pays ? Il y a eu et il y a encore par le monde des pays qualifiés pauvres. Y est-on moins heureux qu’ailleurs, y est-on moins vivant, moins sain, moins énergique ? et, si petits que soient ces pays-là, — n’est-ce pas eux parfois qui, lorsque les pays riches hésitent, comme le soldat d’Horace qui avait trop d’or dans sa ceinture, entraînent tous les autres dans la voie de la justice et de la liberté ? « Pour faire une grande nation, ce n’est pas du territoire qu’il faut, c’est des hommes, et ce n’est pas une multitude qu’il faut, mais des hommes unis. Ç’a été la folie des rois que de cher-