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Puisqu’une même heure voit s’effacer le Bonheur des êtres et la Beauté des choses, puisqu’une même bourrasque emporte les chansons des oiseaux et les chansons des hommes, ne serait-ce pas aux mômes causes qu’il faudrait attribuer la disparition du calme social et celle des jouissances esthétiques ? Et doit-on s’étonner outre mesure si Ruskin a rêvé qu’en restituant au monde la Beauté — Beauté dans la nature — Beauté dans les corps humains — Beauté dans les âmes — il lui restituerait du môme coup le Bonheur ?

§ 2.

Or la lèpre qui ronge et détruit la Beauté dans les paysages que nous aimons le mieux, c’est l’industrialisme ou la spéculation, c’est-à-dire tout simplement la richesse.... Un pays riche, c’est un pays laid. Ruskin nous conte qu’il a connu autrefois un petit coin de terre, aux sources du Wandel, qu’il estimait le plus délicieux paysage du sud de l’Angleterre. Il lui semblait que jamais eaux plus claires et plus divines n’avaient chanté sans interruption, que jamais fleurs n’avaient plus passionnément brillé, que jamais demeures n’avaient adouci le cœur du passant de leur paisible joie à demi cachée et pourtant ouvertement avouée.... Vingt ans après, il est retourné à ces sources du