Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/292

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sauvagerie nous charmait jadis, nous permettraient, en vérité, de demeurer confortablement parmi les rochers et les forêts ; seulement, pour les construire, il a fallu faire sauter ces rochers et, pour les alimenter, défricher ces forêts. Chaque nouvelle ligne de chemin de fer, en se prolongeant comme une ride sur le visage de la patrie, efface quelque chose de sa beauté. Nos vieilles villes pittoresques tombent pierre à pierre, et nos fleuves sont endigués et souillés flot à flot. Ceux d’entre nous qui vivent par les yeux, qui tirent leurs plus hautes jouissances des lignes et des couleurs, sont chaque jour plus dépourvus des spectacles qui ont enchanté leurs pères, — et réduits à s’expatrier pour aller chercher au loin les rares cités et les rares peuplades que nos grands ingénieurs n’ont pas réduites à l’image du boulevard et les grands magasins, asservis à l’uniforme de la redingote.... Peut-il y avoir encore de la Beauté dans l’art ? Il n’y en a plus dans la vie.... »

Peut-être,... diront les savants et les économistes, mais il y a de la richesse. Avant de philosopher, il faut vivre. Qu’importe que quelques dilettantes raffinés ou quelques inutiles rêveurs regrettent ces étranges plaisirs esthétiques que, pour notre part, nous n’avons jamais ni désirés, ni ressentis, si le bien-être de la masse est accru et si les foules sont