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parmi les ouvriers : il ne reste que des machines. Tout y perd : le grand art qui s’abaisse ; l’art du mobilier qui ne s’élève pas et l’ambitieux qui végète ou meurt de faim en face de ses allégories laissées pour compte ou de ses Vénus invendues, devant ses divans ou ses marbres, tandis qu’il se fait chargé de commandes et riche dans sa boutique d’ébénisterie. Ici encore, ce n’est pas la formation intellectuelle, ce n’est pas l’ambition ou l’idéal qui manquent à l’art, c’est le sentiment profond que donne l’admiration désintéressée de la Nature : c’est l’humilité.

La devise de l’artiste sera donc bien simple et tiendra donc entière dans ce mot que nous citions au début de nos recherches : « Tout grand art est adoration ».

Chercher la Nature, la vraie, non telle que nous l’avons faite, mais telle qu’elle s’est faite elle-même ; l’observer avec les yeux qui nous ont été donnés pour la voir, non avec les instruments que nous avons fabriqués pour la déceler, et avec le cœur qui nous a été donné pour la sentir, non avec la raison que nous avons perfectionnée pour la comprendre ; l’observer chez elle et non dans nos ateliers, selon ses éclairages à elle et non selon nos clairs-obscurs ; la suivre dans son dessein de calme puissant et non selon nos agitations vaines ; dans