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d’autres verres sont si beaux dans leurs formes, qu’aucun prix n’est trop élevé pour eux et nous ne voyons Jamais la même forme répétée deux fois en eux. Or vous ne pouvez avoir, à la fois, le fini et la forme variée. Si l’ouvrier est préoccupé de ses bords, il ne peut songer à son dessin ; s’il l’est de son dessin, il ne peut songer à SOS bords. Choisissez entre la belle forme et le parfait fini, et choisissez, en même temps, si vous voulez faire de l’ouvrier un homme ou une meule….

Pardon ! interrompt le lecteur : si l’ouvrier sait très bien dessiner, je ne veux pas le laisser au four. Qu’il s’en aille : qu’on en fasse un gentleman et qu’il ait un atelier et y dessine son verre et nous le ferons souffler et tailler par des ouvriers ordinaires, et ainsi nous aurons à la fois le dessin et le fini.

Toutes les idées de cet ordre sont fondées sur deux fausses suppositions : la première, c’est que les pensées d’un homme peuvent être exécutées par les mains d’un autre homme ; la seconde, c’est que le labeur manuel est une dégradation quand il est dirigé par l’intelligence.

Et il doit toujours l’être. L’artisan doit non point ambitionner de faire mécaniquement un métier d’artiste, mais bien de faire artistement son métier d’artisan. Le grand art décoratif, l’art populaire n’est qu’à ce prix. Et si de nos jours on ne trouve plus parmi les ébénistes, les maçons, les joailliers, les forgerons, ces ouvriers merveilleux des siècles de grand style, ce n’est pas que ces ouvriers n’existent plus, mais c’est qu’ils ont perdu le sens de leur vraie mission. C’est qu’ils ne sont plus là