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l’acte même où il dessine. Jamais la ligne ne peut avoir sa pleine valeur que sous la première force vivante de l’imagination et de l’intelligence, car le dessin gravé doit être fait entièrement dans le feu complet du tempérament qui dirige visiblement ses traits, comme le vent fait les fibres des nuées. »

Mais quoi ? Le grand peintre s’abaissera-t-il à badigeonner les murs et le sculpteur à tailler lui-même son marbre et le dessinateur à graver lui-même son dessin ? Sans doute : il n’y a de belle décoration murale, il n’y a de belle gravure, il n’y a de belle statue qu’à ce prix. « Tous les arts plastiques sont essentiellement athlétiques. » C’est justement là ce qui les distingue et les met au-dessus de tous les autres. « La littérature, tandis qu’elle donne une place aux facultés intellectuelles et sentimentales, ne requiert pas l’organisation du peintre ou du sculpteur », la musique non plus. Un avorton peut écrire et un cul-de-jatte solfier. Mais pour les rudes besognes d’un Michel-Ange ou d’un Tintoret, il faut non seulement une âme forte, mais un corps vigoureux. Tout l’homme se donne. « La tête, le cœur et la main vont de compagnie. Les arts sont fondés d’abord sur la conquête, par la force des bras, de la terre et de la mer, dans l’agriculture et dans la navigation. Ensuite, leur pouvoir inventif commence avec l’argile dans la