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mépriser ni rien choisir et annonçait ainsi ce qu’aurait dû être le Réalisme ; celui qui, en 1846, posait en règle que les teintes extrêmes et la pure couleur ne pouvaient exister que comme points et, en 1853, qu’il fallait peindre le paysage d’après nature jusqu’à la dernière touche en plein air, et annonçait ainsi l’Impressionnisme, restera non pas seulement un précurseur, mais bien le précurseur par excellence au milieu des critiques d’art, généralement plus enclins à « voler au secours de la victoire », qu’à prendre parti avant la bataille et à dominer l’incertitude des assauts.

Seulement, dans ce système de dessin méticuleux, de lignes consciencieuses et appuyées, de couleurs mates une à une dissociées et laborieusement posées point par point, de « pignochage » sec, timide et probe, quel rôle jouent la largeur de la facture, la fluidité savoureuse de la touche, la virtuosité de la main, la liberté du pinceau ? Elles n’en jouent aucun, parce qu’elles n’en doivent pas jouer. La liberté est un vice et la virtuosité un ridicule. Le virtuose est un pharisien qui se complaît en lui-même et non en la Beauté. Entré dans le temple, il ne s’agenouille pas devant le Beau suprême en se frappant la poitrine et en disant : Je suis la laideur ! Non. Il se pavane et se félicite ; il se sait gré du peu qu’il imite de la