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plus son œuvre devient vraiment idéale. Toute confusion des espèces, tout rendu sans soin des caractères, toute association artificielle et arbitraire est vulgaire et non idéale en proportion de son degré. »

Et cette ligne d’une correction et d’une précision absolues, il faut, dès le commencement, l’obtenir non pas avec la pointe d’une plume ou d’un crayon, mais avec la pointe d’une brosse, comme faisait Apelles et comme sont tracées toutes les lignes colorées sur les vases grecs. Habitué à dessiner avec la brosse, l’artiste aura beaucoup plus d’aisance dans l’exécution de sa peinture, car il pourra, à tout moment, rétablir d’un coup de pinceau toute ligne qu’une précédente touche aura brouillée. Le peintre qui ne tient pas son dessin au bout de sa brosse ne sait pas complètement dessiner. « Vous trouverez difficilement un dessin authentique par les grands maîtres, par Titien, Vélazquez ou Véronèse. Car tandis que nous, modernes, nous avons toujours appris ou tenté d’apprendre à peindre en dessinant, les anciens apprenaient à dessiner en peignant ou en gravant, — ce qui est plus difficile. La brosse était mise entre leurs mains dès leur enfance et ils étaient forcés de dessiner avec elle, jusqu’à ce que, s’ils usaient de la plume ou du crayon, ils l’employassent soit avec la légèreté de la brosse, soit avec la décision du graveur. »