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dans les mouvements. Ses transformations ne sont pas rapides, ses gestes ne sont pas violents. L’arbre ne tend que lentement les bras vers le soleil ; le soleil ne se retire qu’insensiblement derrière la montagne ; la montagne demeure pendant des siècles quasi immobile. Rarement, les phénomènes naturels produisent de ces changenments à vue, qui, dans les féeries, font la joie des petits enfants. Des hommes faits s’étonneront davantage des lents miracles de la germination ou de ces formations d’îles qui surgissent des mers, produites, par le travail de myriades d’infiniment petits, durant des myriades d’années. Il faut donc s’interdire en art toute représentation d’événements tumultueux, de scènes violentes, de figures qui courent, qui dansent, qui tombent, qui luttent et qui mordent : les tableaux de bataille, de damnation, de fêtes bachiques, de martyres à grandes contorsions de douleur, de chouettes clouées sur des portes et de Christs expirant sur des croix. Il faut proscrire les natures mortes au nom de la vie de la Nature, et aussi les Dieux mourants au nom de sa sérénité. L’agenouillement de naïfs bergers autour de la crèche ; l’ascension d’un jet d’eau sous le ciel ; le va-et-vient d’un archet sur une corde ; la procession des chevaliers qui entrent dans une église ; la marche lente des ambassadeurs le long du canal ;