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en toute simplicité du cœur, sans rien rejeter, sans rien mépriser, sans rien choisir ».

Sans rien idéaliser non plus, est-il besoin de le dire ? Choisir est une insolence, mais idéaliser est un sacrilège. C’est la prétention paradoxale, inouïe, d’un étroit esprit qui, impuissant à pénétrer la Beauté éparse dans la Nature, entreprend de la créer selon ses misérables imaginations. L’imagination n’a rien à créer : son rôle est, si l’on veut, de « pénétrer la vérité, d’associer la vérité, de restituer la vérité ». Ce ne doit jamais être de substituer ou d’ajouter quelque chose à la vérité. « L’erreur qui la concerne est que sa fonction est une fonction de mensonge et que son opération consiste à montrer les choses comme elles ne sont pas. » À quoi bon mentir, quand les réalités sont si belles ? Quelle figure généralisée, faite de traits rapportés, empruntés à des beautés diverses, quelle académie transposée, quelle fille de statue valut-elle jamais les vivantes enfants des hommes dont les soleils se sont chargés d’approfondir les teintes et les brises d’emmêler les cheveux ? « Aucune déesse grecque n’a jamais été moitié si belle qu’une jeune Anglaise d’un sang pur ! » Les vieux grands maîtres introduisaient dans toutes leurs œuvres prétendues d’imagination, dans leurs Paradis ou dans leurs Résurrections, les simples