Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une explication de la Beauté et que les philosophies n’expliquent que la laideur. Légendes pour légendes, il s’abandonne à celles qui ne flétrissent rien, qui n’assombrissent rien, qui s’accordent le mieux à son sentiment esthétique. Le Christ devient pour lui l’artiste suprême et doux qui travaille de ses mains à faire plus belle la demeure des hommes ; c’est le jardinier rencontré par Madeleine, qui veille sur les fleurs nouvellement nées ; c’est le peintre inconnu qui pose sur le bord de la gentiane la touche qui l’anime ; c’est le tisseur subtil qui fait les vêtements des lys plus éclatants que ceux de Salomon ; c’est le vigneron admis à Cana et qui aujourd’hui encore, dans chaque grappe pendante de la vigne, change en vin l’eau de la terre et du ciel. Le Christ est tout ce qui ressuscite au printemps, tout ce qui luit sur la montagne, tout ce qui désaltère en venant des hauts sommets. Il est la Nature ; il est la Beauté ; il est l’Amour. On ne peut s’étonner que le disciple de la Beauté soit son disciple, ni que, parvenu à l’occident de sa vie, en septembre 1888, faisant son testament intellectuel, et rassemblant en un faisceau toutes ses clartés, comme le soleil qui, au moment de disparaître, rappelle à lui tous les rayons qu’il prodigua pendant le jour, Ruskin nous dise :