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patriotisme. Le paysage, en effet, est le visage aimé de cette mère patrie, Την μητριδα, qu’on ne pourrait autrement se figurer que par une froide abstraction ou par une lourde femme de pierre, comme celles de la place de la Concorde. Quand on pense à la Patrie, ce n’est pas comme à une assemblée d’hommes chauves et noirs gesticulant sous la lueur du gaz parlementaire, ou écrivant derrière les grillages des bureaux des municipes : c’est aux dentellements des montagnes, aux eaux courantes des fleuves, aux demi-cercles bleus des golfes limpides, aux vallons courbés, tachetés de champs, striés de sillons, comme des plaques gravées, aux villages égrenés sur les routes, aux fumées des villes montant dans l’azur des soirs.... Et plus cette vision sera belle, plus on aimera la patrie dont elle est l’image. L’Écossais, par exemple, adore la sienne, car « c’est le caractère particulier de l’Écosse comme distincte de tout autre paysage, sur une petite échelle, dans l’Europe du Nord, d’avoir des traits distinctement suggestifs. Une rangée de coteaux le long d’une rivière française est exactement semblable à une autre ; un détour de ravin dans la Forêt-Noire est justement l’autre détour vu de l’autre côté. Mais dans tout le parcours de la Tweed, du Teviot, du Gala, du Tay, du Forth, de la Clyde, il n’est peut-être pas un mor-