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leurs âmes ». Nous avons trouvé l’instrument de notre étude autant que son objet, et sa récompense autant que son instrument. Car l’enthousiasme seul peut analyser l’enthousiasme. L’admiration seule peut rendre compte des phénomènes de l’admiration. Ne craignons pas l’accusation de schwärmerei et laissons les ironistes à leurs besognes stériles ! S’ils entreprennent avec leur sens calme et rassis d’analyser les impressions de beauté, ce sont des gens qui, gravement, se mettent à refroidir les objets sur lesquels ils prétendent étudier l’action de la chaleur. Loin d’éclaircir ou d’affiner la faculté de l’esthéticien, l’esprit critique la fausse, l’expérience l’émousse, la science la perd. « S’il nous était possible de nous rappeler tous les instincts heureux et inexplicables du temps insoucieux de notre enfance, nous arriverions à des résultats plus rapides et plus exacts que ceux que soit la philosophie, soit la pratique sophistiquée des arts ont atteints jusqu’ici. » Ceux-là seuls qui ont gardé leur fraîcheur d’impression pénétreront jusqu’au fond la fraîcheur des teintes cristallines. Le monde de la Beauté est comme le béryl dans la Ballade de Rossetti :

None sees here but Ihe pure alone,

et, en vérité, si vous ne vous faites pas semblables