Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
le commandement si souvent répété, jamais obéi : « Regardez les lys des champs ! » observez qu’il y a précisément la délicate attribution de la vie que nous savons être une caractéristique de la vue moderne du paysage. Il n’y a pas de science, ni d’idée de science, pas de numération de pétales, ni d’étalage de provisions pour la nourriture, — rien que l’expression de la sympathie à la fois la plus enfantine et la plus profonde. » C’est le sentiment esthétique[1].
Telle est la faculté qui nous permettra, mieux que la raison ou que l’appétit sensuel, de surprendre « l’appel de toute la nature inférieure aux cœurs des hommes, l’appel du rocher, de la vague, de l’herbe, comme une part de la vie nécessaire de
- ↑ Dans ces pages et dans celles qui suivront, on a cherché à donner une image fidèle non plus des paroles de Ruskin, mais de sa pensée. Il a donc été parfois nécessaire de transposer les paroles afin de restituer plus exactement l’dée. Par exemple, ici, on se sert du mot : « sentiment esthétique » dans tous les cas où Ruskin se servirait du mot « faculté théorique ». Le mot esthétique est proscrit par Ruskin en anglais, comme signifiant autre chose que cette « énergie de contemplation » qu’il a en vue. Mais, en français, le mot esthétique a bien le sens que Ruskin prête à théorique. C’est le sens qui lui a été donné par tous les esthéticiens, notamment par M. Charles Lévêque dans sa Science du Beau, Et quand Töpffer a parlé, dans ses Menus Propos, de la faculté esthétique ou quand, plus récemment, M. Cherbuliez, dans son livre l’Art et la Nature, a analysé le plaisir esthétique, ils ont, parallèlement à Ruskin et en se servant d’un autre mot, exprimé la même idée que lui.