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ne peut être le moins du monde considérée comme une idée de beauté tant qu’elle ne s’est pas élevée à ces émotions, pas plus que nous ne pouvons dire que nous avons une idée d’une lettre dont nous avons seulement perçu le parfum et la belle écriture, sans avoir compris son contenu, ou son intention. Et comme ces émotions ne peuvent, en aucune façon, résulter d’une opération de l’intelligence, il est évident que la sensation de beauté n’est pas sensuelle d’une part, ni intellectuelle de l’autre, mais dépend d’un état du cœur pur, droit et ouvert à la fois pour sa vérité et pour son intensité, au point que même la justesse de l’action de l’intelligence sur des faits de beauté ainsi perçue dépend de l’acuité du sentiment du cœur qui s’y rapporte. » C’est le cœur qui nous rend capables d’émotion haute et sereine devant les grands horizons de la Nature. La faculté qui y sert est donc une faculté du cœur : un sentiment.

C’est le sentiment esthétique. C’est lui qui nous fait vibrer aux heures les plus exquises de notre vie, aux seules heures dignes d’être vécues. C’est lui qui établit entre les choses et les êtres cette mystérieuse concordance qu’on demande vainement à la science d’analyser. Ne le confondons jamais avec aucune autre faculté, ni plus haute, ni plus basse. Tenons ferme pour son autonomie. Nous aurons contre nous les sensualistes purs et aussi les purs