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cette nature non seulement sur les yeux, mais sur le cœur, il ne suffit pas de la bien voir ; il faut encore la bien aimer. « Car peut-être que nous ne pouvons pénétrer le mystère d’une seule fleur et qu’il n’a pas été voulu que nous le puissions, mais bien que la poursuite de la science fût constamment étayée par la tendresse de l’émotion. »

Cette faculté de nous-mêmes qui nous permettra de voir et d’étudier dans les hommes autre chose que de merveilleux automobiles, dans les plantes autre chose que des alambics et dans les fleurs autre chose que des remèdes, quelle sera-t-elle donc ? Et de quel nom l’appellerons-nous ? Évidemment ce n’est point l’intelligence, car les idées de beauté sont instinctives, et lorsqu’il s’agit d’elles, tout ce qu’on peut dire de plus favorable à l’intelligence, c’est qu’elle est inutile. Il suffit, si l’on en doute, de lire M. Thiers traitant de critique d’art. « Si jamais un savant vous dit que deux couleurs font mal ensemble, prenez-en note, afin de les mettre le plus souvent possible à côté l’une de l’autre. » — Sera-ce la sensibilité ? S’il fallait pencher d’un côté, ce serait de celui-là plutôt que nous pencherions. Car la sensibilité est ce qu’il y a de plus puissant en nous et de plus noble à la fois. « Les hommes deviennent, dans tous les temps, vulgaires, précisément dans la proportion