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Ces fils mystérieux où nos cœurs sont liés,

nous paraissent trop subtils ou trop particuliers pour être démêlés, sans se rompre, par le grossier scalpel des sciences présentement organisées et organisées pour de tout autres besognes ?

Pour qu’une science le pût, il faudrait qu’en étudiant la Nature elle ne tînt pas compte seulement de sa composition chimique ou physique, de sa vérité, de son utilité, de sa richesse, de son évolution, de sa fécondité même, mais encore de la chose qu’on adore dans la vie et que dans le raisonnement on méprise, qui s’impose dans les faits et qu’on proscrit dans les systèmes, qu’on recherche et qu’on lait, qu’on rêve et qu’on redoute : — la Beauté. La seule psychologie qui pourrait rendre compte des phénomènes que nous venons de décrire, et de mille autres encore qu’on pressent ou qu’on devine, est celle qui tiendrait pour quelques-unes des qualités primordiales et dominantes des objets naturels leurs qualités de formes et de couleurs, leur action non sur le sens du toucher seulement, mais sur le sens le plus noble : la vue, et non sur nos sentiments de désir ou d’appropriation, mais sur le sentiment le plus désintéressé : l’admiration. La seule philosophie complète serait celle qui ne se demanderait pas seulement la cause