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pas encore déterminées ? Comment se fait-il que devant les mêmes montagnes bleues dressées au bout de l’horizon comme des vagues immobilisées par la baguette d’un Enchanteur, un homme s’émeuve et s’arrête et qu’un autre être continue, indifférent, son chemin ? Tout ce qui a des yeux ne verrait-il pas de même ? Y aurait-il d’autres différences entre les espèces que celles dont les biologistes nous ont avertis ? « Ils nous disent bien quelle infinie variété d’instruments oculaires possèdent les créatures fourmillant sur ce globe ; ils nous disent comment ces instruments sont construits et dirigés, comment les uns jouent dans leurs orbites avec des mouvements indépendants, comment d’autres font saillie, en une myopie, sur des pyramides d’os, — ou sont brandis au bout de cornes, ou semés sur le dos et les épaules, ou poussés au bout d’antennes pour explorer la route en avant de la tête, — ou pressés en tubercules aux coins des lèvres.... Mais comment toutes ces créatures voient-elles avec tous ces yeux ? » Quand vous regardez un serpent se déroulant de ses couvertures, ou posé sur une branche comme un paquet de cordages, ou aplatissant contre la vitre des muséums le galbe rond de ses froids anneaux, vous êtes-vous jamais demandé si le serpent vous regarde et ce qu’il voit de vous ? « Il tiendra ses deux yeux