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Sortons de cette ville où le ciel est caché par la fumée, la terre par le pavé de bois, où le feu ne consume que du gaz et où l’eau est telle qu’on n’ose point la boire, — et allons regarder la Nature chez elle, là où nous ne l’avons pas encore défigurée. Pourquoi ce même ciel nous a-t-il inclinés au découragement quand il était gris, et nous rend-il la confiance, quand il est bleu ? Nous voici en plein champ. Examinez cette terre plate et cette verdure alignée au cordeau et, à côté, ce vallonnement plein d’herbes libres aux entrelacs subtils : c’est la même composition chimique, la même aptitude à la production, la même valeur. Ces deux champs sont exactement pareils aux yeux de l’agronome, de l’économiste, du philosophe et du répartiteur des contributions directes. Pourtant l’un d’eux, aux lignes monotones, n’arrêtera point nos pas ni nos soucis. L’autre nous attirera, nous distraira, nous charmera peut-être et, devant ses mille fantaisies d’aspects et de contours, pendant un instant, nous oublierons la vie et nous reviendrons à la maison plus rasséréné, plus calme et moralement plus dispos. Pourquoi ?

Et pourquoi cette nature est-elle colorée comme un tableau, au lieu d’être grise comme une gravure ? Pourquoi ses couleurs les plus brillantes sont-elles répandues sur les êtres les plus inutiles,