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En vain, pour excuser cette manie d’étymologie qui à tout instant l’égaré en des digressions, dit-il que « la subtilité philologique, c’est la subtilité philosophique » : le but qu’il poursuit est bien moins la précision philosophique que l’éclat du ton.

Mais ce ne sont ici qu’images pour les yeux de l’esprit : Ruskin entend frapper l’œil physique de son lecteur. Pour cela, il multiplie les exemples graphiques dans ses volumes. Partout où il peut donner l’exemple plastique à la place de l’exemple littéraire, il le fait. Aucune page de littérature ne vaudrait, pour montrer les différentes façons dont Ghirlandajo et Claude Lorrain comprennent le même paysage, la juxtaposition des deux gravures que donne Ruskin au volume IV de ses Modern painters : nulle poésie, si suggestive fût-elle, ne nous mesurerait la distance qu’il y a entre le bœuf de l’art indien, conventionnel et froid, et le bœuf vivant d’une médaille grecque, comme les deux gravures réunies sur la page 226 d’Aratra Pentelici. Et enfin, bien que ceci soit plutôt un jeu qu’une démonstration, quand Ruskin nous montre sur la même page une exquise reproduction du Dieu humain, tel qu’on le comprenait jadis : de l’Apollon de Syracuse, en face d’un portrait de l’homme civilisé, un Londonien d’affaires, coiffé