Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/116

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Et lorsque vous êtes sur des montagnes où la flore est riche et variée, et qu’à chaque pas, dans les pierriers, sur les hauts plateaux, dans les fentes des rochers calcaires, dans les combes humides et le long des gaves, vous rencontrez des corolles que ne désigne point l’étiquette gourmée des expositions d’horticulture, vous ne voulez pas seulement voir, mais savoir, et si, pour le pur artiste, il y a bien quelque charme à cheminer parmi des plantes et des fleurs sans en connaître autre chose que ceci qu’elles sont belles, comme à traverser un salon plein d’élégantes inconnues, — cependant, le passant, d’ordinaire, aime à s’informer. Parmi toutes ces anonymes beautés, vous regrettez de n’avoir aucun botaniste à vos côtés pour mettre des noms sur les figures des fleurs et sous leurs formes, des idées. La vue est satisfaite : elle a joui longuement, la fleur va tomber des doigts si l’intelligence n’y trouve sa pâture. Mais l’historien, caché au détour d’un rocher, paraît et parle :


Aucune tribu de fleurs n’a eu une aussi grande, aussi variée et aussi saine influence sur l’homme, que ce grand groupe des Drosidae, influence résultant non tant de la blancheur de quelques-unes de leurs fleurs ou de l’éclat des autres que de cette forte et délicate substance de leurs pétales, qui leur permet de prendre des formes d’une inflexion élastique impeccable, soit en coupes comme le safran, soit en clochettes épa-