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C’est aussi le mot par excellence du Grec : « Donnez le-moi. Donnez-moi quelque chose de défini, ici, sous mes yeux, et je ferai avec cela quelque chose de plus. »


L’exemple est topique ; mais autant que de clarté il est plein de charme et ces subtiles enquêtes de psychologie, si elles ont servi à l’esthéticien pour se faire mieux entendre, sont surtout venues en aide au lecteur pour lui rendre plus facile la tâche d’écouter. Sans digression, Ruskin nous a pourtant reposés de la thèse d’art en nous faisant assister à des jeux sans prétention et à des discours sans dogmatisme. Creuser jusqu’à sa signification intime une œuvre plastique devant laquelle on s’est arrêté, ce n’est donc point fatiguer, c’est distraire, c’est relayer les yeux par le cerveau et la sensibilité par l’entendement. On se lasse de voir et d’admirer les aspects extérieurs des choses sans rien connaître de leur structure, de leur histoire, de leurs fonctions ou de leurs symboles. Lorsque vous êtes au bord de la mer depuis plusieurs heures, et que vous regardez venir et s’en aller les bateaux d’un port, yachts ou tartanes, barques de pêche ou de cabotage, admirant obscurément ces choses vulgaires et les suivant involontairement des yeux, vous ne craignez pas que l’analyste vienne murmurer à votre oreille la cause de votre obscure admiration et de votre involontaire sympathie :