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machine au travail de la main. Cette tromperie est déshonnête, dit-il. Pourquoi ? Interrogez vos impressions : elles vous répondront.


L’ornement a deux sources de charme entièrement distinctes : l’une, dérivée de la beauté abstraite de ses formes, que pour le moment nous supposerons être égale, que ces formes soient façonnées à la main ou à la machine ; l’autre, le sentiment de la peine et de l’attention humaines qui ont été dépensées sur lui. Combien est grande cette dernière influence, nous pouvons peut-être en juger, en considérant qu’il n’y a pas de touffe de mauvaises herbes poussant dans la fente d’une ruine qui n’ait une beauté à tous les points de vue presque égale et à quelques-uns immensément supérieure à celle de la sculpture la plus parfaite de cette ruine, et que tout l’intérêt que nous prenons à l’œuvre du sculpteur, tout notre sentiment de sa richesse, bien qu’elle soit dix fois moins riche que les nœuds d’herbe poussés à côté d’elle ; de sa délicatesse, bien que mille fois moins délicate, de sa splendeur, quoique un million de fois moins parfaite, résultent de la connaissance que nous avons que c’est là l’œuvre d’un pauvre, maladroit et laborieux être humain. Son vrai charme tient à ce que nous découvrons en elle le témoignage des pensées, des intentions, des épreuves et des défaillances de cœur, — et aussi des réconforts et des joies du succès : un œil exercé peut retrouver la trace de tout cela, mais en admettant même que ce soit obscur, cela est présumé ou sous-entendu… Je suppose ici qu’un ornement travaillé à la main ne puisse généralement être distingué de celui fait par la machine, pas plus qu’un diamant ne peut être distingué d’un strass ; oui, j’admets que ce dernier puisse faire