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mots saxons ou des mots communs d’une autre dérivation quand ils veulent qu’elle soit vulgaire. Quel effet singulier et salutaire, par exemple, nous produirions sur les esprits de gens qui ont l’habitude de prendre la forme du mot duquel ils vivent pour la vertu cachée qu’il exprime, si nous gardions, ou rejetions, une fois pour toutes, la forme grecque « biblos » ou « biblion », comme l’expression juste pour « livre », au lieu de l’employer seulement dans le cas particulier ou nous désirons donner de la dignité à l’idée, et de la traduire en anglais partout ailleurs. Combien il serait salutaire pour bien des personnes simples, si, dans des passages, pour prendre un exemple, comme Actes XIX, nous conservions l’expression grecque au lieu de la traduire, et si elles avaient à lire : « Beaucoup de ceux aussi qui exerçaient des arts étranges réunirent leurs bibles et les brûlèrent devant tout le monde ; ils en comptèrent le prix et le trouvèrent de cinquante mille pièces d’argent. » Ou bien au contraire si nous la traduisions là où nous avons l’habitude de la conserver et si nous parlions du « Saint Livre » au lieu de la « Sainte Bible », il pourrait entrer dans un plus grand nombre de têtes qu’aujourd’hui que la Parole de Dieu, par laquelle les cieux furent créés jadis et par laquelle ils sont maintenant tenus en réserve[1], ne peut pas être donnée comme présent à tout le monde, dans une reliure de maroquin[2], ni semée sur toutes les rou-

  1. II Pierre, iii, 5, 7. (Note de l’auteur.) Tenus en réserve pour le feu, au jour du jugement et de la destruction des impies. (Note du traducteur.)
  2. Notez la ressemblance frappante avec Aratra Pentelici, ii, 364 :