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fait toujours cacher leurs pensées les plus profondes[1]. Ils ne vous la donnent pas en manière d’aide, mais de récompense, et veulent s’assurer que vous la méritez avant qu’ils vous permettent de l’atteindre. Mais il en va de même avec le symbole matériel de la sagesse, l’or. Nous ne voyons pas vous et moi de raison qui s’opposerait à ce que les forces électriques de la terre portassent ce qui existe d’or dans son sein, tout à la fois, jusqu’au sommet des montagnes afin que les rois et les peuples puissent savoir que tout l’or qu’ils pourraient trouver est là et sans la peine de creuser, sans risque ou perte de temps, puissent l’enlever, et en monnayer autant qu’ils en ont besoin. Mais la nature n’agit pas ainsi. Elle le met sous terre, dans de petites fissures, nul ne sait où ; vous pouvez creuser longtemps, et n’en pas trouver ; il vous faut creuser péniblement pour en trouver.

14. Et il en est exactement de même de la meilleure sagesse des hommes. Quand vous arrivez à un bon livre, vous devez vous demander : « Suis-je disposé à travailler comme le ferait un mineur australien ? Mes pioches et mes pelles sont-elles

  1. Il ne faut pas voir là un caprice du penseur qui ôterait au contraire de la profondeur à sa pensée : mais ce fait, que comprendre étant, en quelque sorte, comme on l’a dit, égaler, comprendre une pensée profonde, c’est avoir soi-même, au moment où on la comprend, une pensée profonde ; et cela exige quelque effort, une véritable descente au cœur de soi-même, en laissant loin derrière soi, après les avoir traversées, les quelques nuées de pensée éphémère à travers lesquelles nous nous contentons ordinairement de regarder les choses. Cet effort, seuls le désir et l’amour nous donnent la force de l’accomplir. Les seuls livres qu’on assimile bien sont ceux qu’on lit avec un véritable appétit, après avoir peiné pour se les procurer tant on avait besoin d’eux. (Note du traducteur.)