de nous peindre, il représente ce désir et ne nous
représente pas. Fromentin, Musset, malgré tous
leurs dons, parce qu’ils ont voulu laisser leur portrait à la postérité, l’ont peint fort médiocre ; encore
nous intéressent-ils infiniment, même par là, car
leur échec est instructif. De sorte que quand un
livre n’est pas le miroir d’une individualité puissante, il est encore le miroir de défauts curieux
de l’esprit. Penchés sur un livre de Fromentin ou
sur un livre de Musset, nous apercevons au fond
du premier ce qu’il y a de court et de niais dans
une certaine « distinction », au fond du second, ce
qu’il y a de vide dans l’éloquence.
Si le goût des livres croît avec l’intelligence, ses dangers, nous l’avons vu, diminuent avec elle. Un esprit original sait subordonner la lecture à son activité personnelle. Elle n’est plus pour lui que la plus noble des distractions, la plus ennoblissante surtout, car, seuls, la lecture et le savoir donnent les « belles manières » de l’esprit. La puissance de notre sensibilité et de notre intelligence nous ne pouvons la développer qu’en nous-mêmes, dans les profondeurs de notre vie spirituelle. Mais c’est dans ce contact avec les autres esprits qu’est la lecture, que se fait l’éducation des « façons » de l’esprit. Les lettrés restent, malgré tout, comme les gens de qualité de l’intelligence, et ignorer certain livre, certaine particularité de la science littéraire, restera toujours, même chez un homme de génie, une marque de roture intellectuelle. La distinction et la noblesse consistent, dans l’ordre de la pensée aussi, dans une sorte de franc-