port avec lui, dans l’absence lui en parle encore. Aussi, les plus grands écrivains, dans les heures où
ils ne sont pas en communication directe avec la
pensée, se plaisent dans la société des livres. N’est-ce pas surtout pour eux, du reste, qu’ils ont été
écrits ; ne leur dévoilent-ils pas mille beautés, qui
restent cachées au vulgaire ? À vrai dire, le fait que
des esprits supérieurs soient ce que l’on appelle
livresques ne prouve nullement que cela ne soit
pas un défaut de l’être. De ce que les hommes médiocres sont souvent travailleurs et les intelligents
souvent paresseux, on ne peut pas conclure que le
travail n’est pas pour l’esprit une meilleure discipline que la paresse. Malgré cela, rencontrer chez
un grand homme un de nos défauts nous incline
toujours à nous demander si ce n’était pas au fond
une qualité méconnue, et nous n’apprenons pas
sans plaisir qu’Hugo savait Quinte-Curce, Tacite
et Justin par cœur, qu’il était en mesure, si on
contestait devant lui la légitimité d’un terme[1],
d’en établir la filiation, jusqu’à l’origine, par des
citations qui prouvaient une véritable érudition.
(J’ai montré ailleurs comment cette érudition avait
chez lui nourri le génie au lieu de l’étouffer, comme
un paquet de fagots qui éteint un petit feu et en
accroît un grand.) Mæterlinck, qui est pour nous le
contraire du lettré, dont l’esprit est perpétuellement
ouvert aux mille émotions anonymes communiquées
par la ruche, le parterre ou l’herbage, nous rassure
grandement sur les dangers de l’érudition, pres-
- ↑ Paul Stapfer : Souvenirs sur Victor-Hugo, parus dans la Revue de Paris.