Viens dans le jardin, Maud,
Car cette noire chauve-souris, la nuit, s’est envolée
Et les parfums du chèvrefeuille flottent au loin
Et le musc des roses s’exhale[1].
Ne descendrez-vous pas parmi elles ? parmi ces douces choses vivantes, dont le jeune courage, jailli de la terre avec, sur lui, la couleur profonde du ciel, s’élance, dans la vigueur des épis joyeux[2], et dont la pureté, lavée de la poussière, va s’ouvrant, bouton par bouton, en la fleur de promesse ; — et encore elles se tournent vers vous, et pour vous « le pied d’alouette chuchote : J’entends, j’entends ! — et le lys soupire : J’attends[3] ».
95. Avez-vous remarqué que j’ai passé deux lignes quand je vous ai lu la première stance et pensez-vous que je les aie oubliées ? Écoutez-les maintenant :
Viens dans le jardin, Maud,
Car cette noire chauve·souris, la nuit, s’est envolée,
Viens dans le jardin, Maud,
Je suis sur la porte, tout seul.
Qui est-ce ; pensez-vous, qui se tient ainsi sur la porte de ce si doux jardin, seul, et vous attendant ? Avez-vous jamais entendu parler non d’une Maud, mais d’une Madeleine, qui, descendant à son jardin, à l’aurore, trouva quelqu’un qui attendait sur
- ↑ Tennyson, Maud.
- ↑ L’Union pour l’action morale dit « avec l’essor d’un clocher béni », ce qui est très acceptable ; j’invoque en faveur du sens que j’ai adopté, non d’ailleurs sans hésitation, l’autorité de M. de la Sizeranne. (Cf. La Religion de la Beauté, p. 148.) (Note du traducteur.)
- ↑ Ces vers de Maud sont cités par Ruskin comme exemple « exquis » de « mensonge pathétique » dans le chapitre de Modern Painters qui porte ce titre (volume III). (Note du traducteur.)