Page:Ruskin - Sésame et les lys.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.

disait-on, du moyen âge, joignaient de l’autre, par des chemins montants d’églantiers et d’aubépines, la « nature » qui s’étendait à l’infini, des villages qui avaient d’autres noms, l’inconnu. Je laissais les autres finir de goûter dans le bas du parc, au bord des cygnes, et je montais en courant dans le labyrinthe, jusqu’à telle charmille où je m’asseyais, introuvable, adossé aux noisetiers taillés, apercevant le plant d’asperges, les bordures de fraisiers, le bassin où, certains jours, les chevaux faisaient monter l’eau en tournant, la porte blanche qui était la « fin du parc » en haut, et au delà, les champs de bleuets et de coquelicots. Dans cette charmille, le silence était profond, le risque d’être découvert presque nul, la sécurité rendue plus douce par les cris éloignés qui, d’en bas, m’appelaient en vain, quelquefois même se rapprochaient, montaient les premiers talus, cherchant partout, puis s’en retournaient, n’ayant pas trouvé ; alors plus aucun bruit ; seul de temps en temps le son d’or des cloches qui au loin, par delà les plaines, semblait tinter derrière le ciel bleu, aurait pu m’avertir de l’heure qui passait ; mais, surpris par sa douceur et troublé par le silence plus profond, vidé des derniers sons, qui le suivait, je n’étais jamais sûr du nombre des coups. Ce n’était pas les cloches tonnantes qu’on entendait en rentrant dans le village — quand on approchait de l’église qui, de près, avait repris sa taille haute et raide, dressant sur le bleu du soir son capuchon d’ardoise ponctué de corbeaux — faire voler le son en éclats sur la place « pour les biens de la terre ». Elles n’arrivaient au bout du parc