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82. Tel est donc le rôle de la littérature, considérée en tant qu’elle peut être une aide pour elle, — tel le rôle de l’art. Mais il est encore une autre aide sans laquelle elle ne peut rien, une aide, qui, à elle seule, a fait quelquefois plus que toutes les autres influences — l’aide de la sauvage et belle nature. Écoutez ceci, sur l’éducation de Jeanne d’Arc.

« L’éducation de cette pauvre fille fut humble au regard de l’esprit du jour ; fut ineffablement haute au regard d’une philosophie plus pure et mauvaise pour notre époque, seulement parce qu’elle est trop élevée pour elle…

« Après ses avantages spirituels, elle fut redevable surtout aux avantages de sa situation. La fontaine de Domrémy était à l’orée d’une immense forêt, et celle-ci était hantée à un tel point par les fées que le curé était obligé d’aller dire la messe là une fois l’an, à seules fins de les contenir dans de décentes bornes…

« Mais les forêts de Domrémy — elles étaient les gloires de la contrée, parce qu’en elles séjournaient de mystérieux pouvoirs et d’antiques secrets qui planaient sur elle en une puissance tragique ; il y avait là des abbayes avec leurs verrières « semblables aux temples mauresques des Hindous » qui exerçaient leurs prérogatives princières jusqu’en

    retarde. » (Lettre de Mlle  de Saint-Geneix, dans le marquis de Villemer, cité de mémoire.) Mais la marquise de Villemer était intelligente et bonne. Je connais en revanche des gens qui se croient très élégants et d’une culture raffinée, qui ont prié le professeur de français de leur fille, personne tout à fait remarquable, de passer par l’escalier de service dans l’après-midi « pour ne pas rencontrer les visites ». (Note du traducteur.)