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en peu de mots tout l’accomplissement de la beauté féminine. Je vais vous lire les strophes introductrices, mais la dernière est la seule sur laquelle je tienne à appeler spécialement votre attention :

« Trois ans elle crût sous le soleil et l’ondée.
Alors Nature dit : « Une plus aimable fleur
Sur terre ne fut jamais semée ;
Cette enfant pour moi-même je prendrai ;
Elle sera mienne, et je formerai
Une dame issue de moi seule.

Moi-même pour ma chérie je serai
À la fois la loi et l’impulsion ; et avec moi
La fillette, dans le rocher et dans la plaine,
Dans la terre et le ciel, dans la clairière et le bocage,
Sentira à veiller sur elle un pouvoir
Tantôt excitateur et tantôt réprimant.

Les flottants nuages leur majesté prêteront
À elle, pour elle le saule se courbe ;
Ni elle ne manquera de discerner
Même dans le mouvement de la tempête
La grâce qui moulera ses formes de jeune fille
Par une silencieuse sympathie ;

Et des sentiments vitaux de joie
Élèveront sa forme jusqu’à une royale stature,
Gonfleront son sein virginal ;
De telles pensées à Lucie je donnerai
Pendant qu’elle et moi ensemble nous vivrons
Ici dans cet heureux vallon. »

« Des sentiments vitaux de joie », remarquez-le. Il y a de mortels sentiments de joie ; mais ceux qui sont naturels sont vitaux, nécessaires à la vraie vie.

Et ils seront des sentiments de joie, s’ils sont vitaux. Ne croyez pas pouvoir rendre une jeune fille gracieuse, si vous ne la rendez pas heureuse. Il n’y a pas une contrainte imposée aux bons sentiments